<< La synthèse par modèles physiques

5. Les applications industrielles

La synthèse par modèles physiques est une technique nouvellement apparue : il y a donc peu d'applications pour l'instant. Les synthétiseurs créés jusqu'alors sont le résultat d'une longue expérimentation et d'améliorations constantes, mais ils sont conçus pour tirer le meilleur parti de techniques travaillant sur le son lui-même. Pour l'application des modèles physiques, les producteurs ont utilisé l'ergonomie de ces synthétiseurs dont on connaît le succès commercial et auxquels les acheteurs sont habitués. Mais il va de soi que cette ergonomie ne sera pas forcement appropriée pour exploiter au mieux les possibilités des modèles physiques. Pour une technique aussi nouvelle, les applications ne peuvent être parfaites, de plus, le public change difficilement ces habitudes : ces deux problèmes majeurs font obstacle à la réussite commerciale de la synthèse par modèles physiques. Pourtant, ces problèmes se résoudront avec le temps. Au fur et à mesure que les applications seront perfectionnées et améliorées, parallèlement le public prendra progressivement connaissance de leur existence. Cependant, les modèles physiques induisent un retour à l'apprentissage instrumental qui pourrait déplaire au grand public. Et il faut porter l'attention sur le fait que c'est le grand public, donc des amateurs en grande partie qui déterminent le marché. Evidement les musiciens constituent une clientèle importante, mais ils ne seront pas intéressés par ces machines encore trop peu au point.

Mis à part ces problèmes, les synthétiseurs utilisant la technique des modèles physiques ont des avantages qui seront bien vite remarqués par les utilisateurs et qui leur donneront l'ascendant sur les synthétiseurs traditionnels. Ces synthétiseurs traditionnels utilisent les synthèses analogiques, par modulation de fréquence, des échantillons préenregistrés ou d'autres techniques basées sur la création et manipulation du son lui-même. Des manipulations de plus en plus nombreuses et de plus en plus fines (portant sur l'enveloppe, les effets,…) peuvent être effectuées pendant l'édition du son et même pendant le jeu grâce à des pédales, manettes, roues, contrôleurs à ruban53, écrans tactiles… Tous les avantages de ces synthétiseurs, nous les connaissons bien, cependant, nous connaissons aussi les sérieuses limitations inhérentes aux techniques de synthèses utilisées, elles se résument toutes sous le terme : Expressivité.

Il est difficile, voire impossible, avec un synthétiseur de ce type de donner, même à une partie soliste, toute la finesse et l'expressivité que l'instrument acoustique offre. Une trompette, par exemple, offre des nuances de timbre importantes du pianissimo au fortissimo. Le vibrato d'un instrument réel, si mal imité par les synthétiseurs, est modulé en hauteur, en vitesse et en timbre, de plus il est passablement irrégulier et c'est ce qui lui donne son aspect vivant. Les différentes attaques dues au mouvement de la langue influencent beaucoup le son sans compter les effets de " growl ". Les synthétiseurs permettent des contrôles fins de l'enveloppe du son mais aucun pour l'attaque. Le son d'un instrument réel évolue dans sa masse parce que le musicien joue le son et ne se contente pas de le déclencher en appuyant sur une touche.

Le défaut le plus gênant de ces synthétiseurs est leur manque de jouabilité. Car si la manipulation des paramètres du son pendant le jeu permet, en théorie, de lui donner une certaine expressivité, dans la pratique, cela reste très difficile et seuls quelques petits virtuoses en coordination des mouvements arrivent à jouer sur le clavier et à manipuler en même temps les pédales, les roues, les contrôleurs à rubans, et appuyer sur les boutons pour modifier la valeur des paramètres du son. Et quand bien même on arrive à produire de la musique, digne de ce nom, de cette manière, il est clair que la performance tient plus du jonglage et du cours de physique que de l'exécution musicale. Quel musicien voudrait faire de la musique de cette façon ?

Quand on considère tout ce qui manque à ces synthétiseurs, les modèles physiques semblent pouvoir se faire une belle place sur le marché. Nous allons donc, à travers l'examen de différents synthétiseurs existants faire le bilan critique de l'application commerciale de la technique de synthèse par modèles physiques.

5.1. les synthétiseurs utilisant la synthèse par modèles physiques

Yamaha, Korg et Technics sont les premiers constructeurs à avoir tenté d'utiliser la technique de synthèse par modèles physiques. Leurs stratégies commerciales sont différentes, et leurs démarches bien distinctes. Il faut préciser que tous les synthétiseurs, utilisant la synthèse par modèles physiques, que nous allons présenter, emploient en fait exclusivement les modèles de guides d'ondes. Si les constructeurs adoptent cette synthèse en lui donnant des noms très divers, il s'agit bien toujours de la même technique.

Ainsi, Yamaha est le premier à tenter une commercialisation de cette synthèse par modèles physiques sous le nom de synthèse VA (Virtual Acoustic Synthesis). Ce synthétiseur de Yamaha est le VL1, le premier et le seul (à part le VP) utilisant à cent pour cent les modèles physiques. Conçu pour tirer avantage d'un contrôleur de souffle, il s'adresse aux utilisateurs musiciens et tout particulièrement aux saxophonistes. Le retour à un apprentissage instrumental, la totale nouveauté de cette machine et son prix élevé provoquent l'échec commercial de ce synthétiseur. A partir de là, Yamaha ne prend plus le risque de produire un synthétiseur utilisant uniquement la synthèse par modèles physiques. La série des synthétiseurs EX- ne fait qu'ajouter une petite partie de synthèse physique, un module, dans un synthétiseur traditionnel.

Korg s'engage, après Yamaha, dans la tentative de commercialisation de cette technique et profite de l'exemple du VL1. Korg ne tient pas trop à bouleverser totalement les habitudes de ses consommateurs. Il présente directement la synthèse par modèles physiques comme une nouveauté, un petit plus ajouté aux synthétiseurs habituels, et, la présente intégrée à son système MOSS (Multi Oscillator Synthesis System). Quelques modèles de cordes et d'anches sont proposés mais seuls les paramètres sont modifiables. Aucune construction complète partant d'éléments instrumentaux, à la manière de Mosaïc (voir § II.3.2), n'est proposée.

Enfin Technics tire également parti de cette nouvelle technique et l'intègre au sx-WSA1.

5.1.1. La série des synthétiseurs VL et VP de Yamaha

La particularité de ces deux séries de synthétiseurs est quelles utilisent à cent pour cent la synthèse par modèles physiques. Aucune autre technique n'est utilisée parallèlement.

Il existe toute une série de synthétiseurs VL, mais parmi eux, le VL1 (voir Figure 34), commercialisé en 1994, est le plus abouti. Le VL70 n'est qu'une simplification du VL1 et les VL1-m et VL70-m (voir Figure 35), ) sont des expandeurs, modules de synthèse dont la seule différence est de ne posséder ni clavier, ni contrôleurs. Nous ne nous intéresserons donc qu'au VL154. Ce synthétiseur, commercialisé en 1994, utilise uniquement la technique des modèles physiques par guides d'onde. Les formes d'ondes sont issues des algorithmes modélisant l'acoustique des instruments réels ce qui permet un jeu expressif et induit un tout nouveau rapport au synthétiseur. Il ne fait pas de doute que Yamaha avec le VL1 marque une étape dans l'histoire des synthétiseurs et engage la performance musicale dans une nouvelle dimension.

Figure 34 : Le synthétiseur VL1 de Yamaha55.

Ce synthétiseur permet la modélisation des instruments à anche simple et lipale, à jet d'air, et les cordes pincées et frottées, conçus par association d'éléments, tubes, anches, etc. Sont disponibles, des résonateurs : cordes ou tubes à conicité variable auxquels sont associés des modules de terminaison, des pavillons, et des modes d'excitation qui sont modèlisés de même : anche simple et lipale, jet d'air, pincement et frottement. Des commandes en temps réel mettent en œuvre l'excitation. Le contrôle paramètrique des différentes composantes de l'instrument permet de modifier ses caractéristiques. Une certaine forme de modularité peut être exploitée pour donner naissance à des instruments entre l'instrument à vent et à cordes frottées. Il est également possible de créer des hybridations entre les instruments à jet d'air et à anche simple comme dans le système de P.Cook (voir § II.4.4).

Le VL1 peut-être utilisé avec un contrôleur de souffle du type WX- (voir § II.5.1.3), ce qui permet de retrouver la finesse du jeu d'un instrument à vent56, chose impossible avec un simple clavier. Apprendre à maîtriser l'utilisation d'un VL1 avec un contrôleur de souffle est plus aisé que d'apprendre à jouer d'un instrument acoustique et permet de jouer n'importe quel instrument à vent avec un seul et même dispositif de contrôle. Il est, de plus, possible d'obtenir avec des instruments virtuels des effets impossibles dans la réalité : un ambitus gigantesque, une virtuosité impossible avec les contraintes de l'instrument réel, etc. Le VL1 permet l'exploration de nouvelles perspectives de jeux et une nouvelle forme d'expressivité lors de l'exécution. La technologie des modèles physiques demande beaucoup de puissance à la machine, la polyphonie est donc réduite à deux voix, mais finalement, pour profiter des possibilités d'expressivité, il est préférable de travailler sur une partie solo, la polyphonie n'est donc pas indispensable.

Pourtant le VL1 a ses défauts. Yamaha n'a pas été capable d'atteindre un degré acceptable de réalisme ou même simplement une simulation utilisable pour plusieurs des voix du VL1 : certains sons ont beau être excellents d'autres sont pauvres et inutilisables. Pourtant, les autres fabricants qui ont investi dans la recherche et le développement des modèles physiques n'ont pas atteint la qualité du VL1, ce qui laisse imaginer la difficulté de créer une bonne synthèse par modèles physiques. Les premières remarques de la presse étant franchement enthousiastes, Yamaha a sans doute pensé raisonnable de demander 5000$ pour ce VL1, pourtant peu de clients ont accepté de payer un tel prix. Malgré ses qualités et son aspect innovant, le VL1 n'a pas très bien marché commercialement. Les autres producteurs comme KORG ont préféré attendre de voir l'accueil réservé au VL1 et ont convenu de ne pas se jeter si rapidement dans cette voie périlleuse. L'échec commercial de ce synthétiseur est du en partie à son aspect trop peu familier, mais également aux goûts des principaux acheteurs qui sont plus des amateurs que de véritables musiciens. De nombreux utilisateurs de synthétiseurs sont heureux d'avoir des sons synthétiques, avec beaucoup de distorsion ou d'autres effets. Pour ces utilisateurs, le prix était bien trop élevé pour un synthétiseur avec seulement 2 voix de polyphonie. Ces amateurs de synthétiseurs sont souvent des clavieristes et ne savent pas se servir d'un contrôleur de souffle, et utiliser un VL1 sans contrôleur de souffle est, pour la plupart des sons, un crime. Ajoutée à tout cela, la façon peu familière d'éditer les sons constitue une barrière qui explique la médiocrité des ventes. Les revendeurs n'osaient pas prendre de VL1 en stock car ils les pensaient invendables. Quel employé aurait pu faire une démonstration convaincante d'un synthétiseur avec un contrôleur de souffle qui demande un véritable apprentissage instrumental ? Ce VL1 s'adressait plutôt à des musiciens avertis jouant d'un instrument à anche simple mais ces derniers fréquentent rarement les magasins de synthétiseurs, ils ont sur la médiocrité de leurs possibilités musicales des préjugés tenaces ou bien ils sont effrayés par l'aspect technique de leur utilisation.

Afin d'améliorer les ventes, en 1996, Yamaha propose une nouvelle présentation du VL1 avec une amélioration des voix et des options d'édition, ainsi qu'une baisse appréciable du prix. Plus tard, à cause du déficit des ventes, Yamaha décide d'abandonner la production de tous les synthétiseurs VL à part le VL70-m (voir Figure 35). D'autres offres de Yamaha comprennent les fonctionnalités du VL70-m.

Figure 35 : Le module de synthèse VL70-m57.

Le VP1, très proche du VL1 et utilisant toujours exclusivement les guides d'ondes, est dédié aux modélisations de percussions, membranes et leurs dérivés, et cordes et offre une polyphonie de 16 notes.

Après l'apparition du VL1, il est devenu évident que la synthèse physique deviendrait une technique de synthèse présente dans toutes les productions qui suivraient. Il semblait également inévitable, à mesure que son emploi touchait de plus en plus de domaines, que son prix baisse énormément. Ces deux prévisions se sont avérées correctes et la modélisation physique est utilisée maintenant d'une façon ou d'une autre dans la plupart des synthétiseurs. Cependant, après l'échec relatif d'un synthétiseur utilisant uniquement les modèles physiques, les autres productions l'intégreront sous forme d'un module particulier compatible avec d'autres modes de synthèse.

5.1.2. La série des synthétiseurs EX- de Yamaha

Parmi les synthétiseurs EX- de Yamaha, seuls les modèles EX5 (1998) et EX5R utilisent la synthèse par modèles physiques. Le EX7 (1998), version simplifiée du EX5 ne possède pas de sons générés par modèlisation physique. Il est révélateur de voir que la simplification porte sur ces derniers : la modélisation physique est encore considérée comme un plus, une technique compliquée et marginale.

Figure 36 : Le synthétiseur EX5 de Yamaha58.

Le EX5 (voir Figure 36) est un synthétiseur doté d'un clavier de 76 touches, 3 roues de modulation, un contrôleur à ruban et 6 boutons pourdes contrôles personnalisés et permettant l'utilisation d'un contrôleur de souffle comme pour le VL1 (voir § II.5.1.3). Le EX5R (voir Figure 37) est l'expandeur correspondant.

Figure 37 : Le EX5R de Yamaha59.

Les lettres EX sont utilisées pour " extended synthesis " ce qui signifie que plusieurs types de synthèses sont utilisés pour générer les sons de ce synthétiseur. Il est difficile de vouloir imposer aux consommateurs une technique entièrement nouvelle, surtout quand celle-ci n'est pas encore totalement au point (certains défaut n'apparaissent qu'avec le recul). Mèler cette nouvelle technique aux anciennes permet à l'utilisateur de s'y habituer en douceur, de plus la comparaison qu'il effectue entre les anciennes techniques et les modèles physiques lui permet de mieux voir ce qu'ils lui apportent. Ainsi les synthétiseurs EX- mèlent la synthèse AWM60, la synthèse AN61, la synthèse FDSP62 et la synthèse VA (Virtual Acoustic Synthesis) qui n'est autre que la synthèse par modèles physiques.

Les sons échantillonnés contenus dans la mémoire de ce synthétiseur sont réalistes mais ne peuvent pas vraiment être manipulés en direct ce qui empêche toute expressivité. C'est le contraire pour les sons par modèles physiques : ils ne sont pas vraiment convaincants au point de vue sonore mais sont extrêmement manipulables. Ce synthétiseur permet donc une alliance des deux types de synthèse ce qui permet d'augmenter la qualité de l'exécution sonore. Si, actuellement, la technique de modélisation physique n'est pas encore totalement au point, il est visible qu'elle peut déjà apporter beaucoup en étant associée à d'autres techniques plus anciennes.

Le défaut majeur qui apparaît lors de l'utilisation de ce synthétiseur est son ergonomie. L'édition des sons est très complexe ; il y a beaucoup trop de paramètres à spécifier, de plus l'écran est trop petit pour avoir une vision claire de tous les paramètres d'un son.

5.1.3. Les contrôleurs de souffle WX- de Yamaha

Figure 38 : Le contrôleur de souffle WX5 de Yamaha63.

Les contrôleurs WX- de Yamaha comme le WX5 (voir Figure 38) et le WX764 (voir Figure 39) sont des contrôleurs de souffle MIDI orientés vers les anches simples. Le WX- présente au choix une embouchure de type saxophone ou de type flûte à bec. Les doigtés sont basés sur ceux du saxophone mais, en plus, des clefs sous le pouce gauche permettent d'atteindre un ambitus de 6 octaves (une position neutre par défaut, plus deux octaves dans le grave et trois dans l'aigu) certains doigtés spéciaux permettent d'atteindre 7 octaves. Il est possible de choisir entre 4 modes de doigtés (Saxophone a, b, c ou Flûte) pour une plus grande facilité de jeu. D'autres commutateurs permettent de transposer l'instrument en Do3, Sib2 ou Mib3 (note jouée par l'instrument lorsque toutes les clefs sont fermées) pour les usagers plus habitués aux doigtés de saxo alto, saxo baryton ou saxo ténor et clarinette. Une roue de modulation permet, comme sur un synthétiseur, de faire varier la hauteur tout en jouant. Un bouton permet de changer, depuis le WX-, les programmes du synthétiseur auquel il est connecté, par l'intermédiaire du langage MIDI. La vitesse de réponse de l'instrument peut également être réglée.

Figure 39 : Le contrôleur de souffle WX7 de Yamaha65.

Le WX- traduit le souffle et la pression des lèvres du musicien en données MIDI par l'intermédiaire de capteur de souffle et de pression de haute résolution qui peuvent être calibrés pour capter au mieux les nuances et l'originalité d'un jeu personnel. Un commutateur permet d'associer la pression au volume pour les synthétiseurs traditionnels qui ne comprennent pas les indications de pression et ne font pas varier le spectre du son en fonction de celle-ci. D'autres commutateurs permettent d'utiliser ou non d'autres propriétés de l'instrument comme la fluctuation de la hauteur, du volume, du timbre dues à l'action exercée sur l'anche pendant le jeu. Par exemple, des commutateurs permettent de choisir si la vélocité d'attaque et l'amplitude de tenue des sons sont fixe ou bien proportionnelles à la pression du souffle. On peut les désactiver pour rendre l'appareil compatible avec un synthétiseur ou pour rendre le jeu plus simple (les clavieristes par exemple auront du mal à contrôler la fluctuation de la hauteur) mais c'est se priver des capacités exceptionnelles de ce contrôleur.

Les interfaces de contrôle du souffle ne sont pas exclusivement utilisées par Yamaha. Evidement, tous les autres fabricants prévoient l'utilisation de ces contrôleurs avec leurs synthétiseurs. Chaque fabricant produit ses propres modèles de contrôleurs de souffle qui sont globalement semblables à ceux présentés.

5.1.4. Le Korg Oasys

Le synthétiseur Oasys (Open Architecture SYnthesis System 1996) de Korg est une machine tout à fait particulière (voir Figure 40). Sa présentation pourtant est assez traditionnelle. Il est équipé d'une interface graphique, tactile et intuitive, d'un clavier 76 touches, d'un contrôleur à ruban66 sensible à la pression, d'une manette de modulation, et offre la possibilité d'ajouter un contrôleur de souffle.

Figure 40 : Le synthétiseur Oasys de Korg, équipé du système DSP67.

Ce qui fait la grande nouveauté de ce synthétiseur, c'est son fonctionnement interne. Il est équipé du " Digital Signal Processor (DSP) System ", il s'agit d'une architecture à processeurs multiples de signal digital qui lui apporte une grande puissance de calcul. Oasys est pourvu d'une mémoire et d'une capacité de calcul énorme car au lieu de posséder une mémoire ROM (ineffaçable) ou sont stockés les algorithmes de synthèse, ceux-ci sont stockés dans une mémoire RAM (modifiable) Plutôt que de dédier des parties matérielles du synthétiseur aux oscillateurs, filtres et autres, Oasys utilise des fonctions logicielles pour les produire. Ces logiciels informatiques lui permettent d'utiliser n'importe quels algorithmes de synthèse que l'on rentre en mémoire. Ainsi, Oasys peut utiliser les synthèses analogiques, FM, additive, vectorielle, par échantillonnage, par filtres résonnants, par guides d'ondes, mais aussi des techniques qui apparaîtront dans le futur. Des algorithmes seront mis au point pour appliquer cette technique et Oasys sera capable de les mettre en œuvre sans mise à jour du système, même s'ils sont totalement nouveaux et inconnus jusqu'alors. Les effets eux-mêmes sont chargés avec leurs propres algorithmes.

Chaque son, voire même, chaque composante du son peut-être généré par une technique (ou une combinaison de techniques) différente, issue d'un algorithme totalement différent. Cette flexibilité inédite permet d'obtenir des sons exceptionnels avec un contrôle personnalisé et spécifique à chacun d'eux, induisant une grande expressivité musicale.

Figure 41 : La carte Oasys PCI pour Macintosh68.

Le principe d'un synthétiseur comme Oasys, basé uniquement sur un principe logiciel ne semble pas s'être imposé. Certains autres synthétiseurs utilisent une partie logicielle mais elle est très limitée et le reste de l'architecture du synthétiseur est fixé. La complexité du système à fait d'Oasys, une plate-forme de développement pour la compagnie Korg, plus qu'un synthétiseur commercial. La commercialisation de nouveau matériel utilisant ce principe semblait définitivement abandonnée jusqu'à août 1999 ou Korg a produit une Carte PCI (voir Figure 41) permettant une synthèse sur une base logicielle. Cette " Oasys PCI " est conçue pour la plate forme MAC et peut être associée à n'importe quel séquenceur MIDI. La carte contient des centaines de sons issus de 28 algorithmes de synthèse, et 135 algorithmes d'effets. Le système est évidement extensible. La version PC est attendue en 2000.

La technologie Oasys a été réutilisée dans le synthétiseur monophonique Prophecy, mais également dans le Trinity qui a hérité de son interface tactile et intuitive, et dans le Z1 qui intègre des algorithmes conçus grâce à Oasys mais ne permet pas d'en produire de nouveaux. Nous allons maintenant voir en détail ces trois synthétiseurs.

5.1.5. Le Korg Prophecy

Commercialisé en novembre 1995, le Prophecy (voir Figure 42) peut-être acquis pour lui-même ou comme option avec le Trinity. C'est une machine avec une capacité de calcul assez élevée, conçue sur le modèle du VL1 avec une polyphonie limitée, mais une grande capacité d'expressivité. Malgré tout ce qui les sépare, le Prophecy représente la meilleure alternative au VL1 pour l'instant et il est le premier susceptible de lui faire concurrence. C'est le seul synthétiseur avec le VL1 qui propose une synthèse physique complète de sons acoustiques, mais il n'est pas aussi performant car Korg n'a pas investi véritablement dans le développement des modèles physiques.

Figure 42 : Le synthétiseur Prophecy de Korg69.

Le Prophecy est pourvu du le système MOSS (Multi Oscillator Synthesis System) qui utilise un puissant processeur (des millions d'opérations par seconde) effectuant tous les calculs nécessaires à l'émission d'un signal digital pour la création du son. Il consiste en une émulation de sept oscillateurs, combinés pour obtenir cinq types de synthèse : la synthèse analogique classique, la synthèse soustractive, la synthèse VPM (variable phase modulation), la synthèse croisée et modulation en anneau, et la synthèse par modèles physiques utilisant la technique des guides d'ondes et comprenant un modèle de cuivre, d'anche et de cordes pincées. Ces différents types de synthèse peuvent être associés pour obtenir des sons très complexes. Grâce au système MOSS, Korg joint les modèles physiques aux techniques précédentes et ne prend pas le risque de produire un synthétiseur utilisant uniquement les modèles physiques.

Pour éditer les sons de style analogique, il est nécessaire d'ajuster les fréquences des oscillateurs mais pour les modèles physiques les modifications portent sur les paramètres physiques de l'instrument comme la taille de l'embouchure et son type (anche lipale, simple ou double, biseau...). Ce synthétiseur peut utiliser le langage MIDI, ce qui présente un avantage par rapport aux autres synthétiseurs comme le Wave Drum de Roland (voir § II.5.2.1). Le Prophecy n'est pas conçu pour tirer avantage d'un contrôleur de souffle, il n'est pas non plus orienté vers une imitation fidèle des sons acoustiques.

Malgré le soin porté à l'ergonomie de ce synthétiseur possédant de nombreux contrôleurs (clavier sensible, boutons, roues, contrôleurs à ruban) et un agréable écran de grande taille, l'interface de réglage et programmation des sons pose problème. Elle est beaucoup plus complexe que sur les autres synthétiseurs. Le grand nombre de contrôles possibles aurait du être un avantage mais malheureusement ils rendent l'interface utilisateur difficilement compréhensible. Les démonstrateurs des magasins ne savent même pas s'en servir. Dans ces conditions, il est difficile de convaincre un acheteur éventuel.

Le Prophecy satisfera donc surtout les musiciens qui apprécient les sons synthétiques, qui aiment programmer leur synthétiseur, personnaliser les sons et jouer avec de nombreux contrôleurs durant l'exécution. En ce qui concerne les modèles physiques, l'appareil n'est pas vraiment au point, la modification des sons et les contrôles nécessaires à une exécution expressive sont peu maniables. Le Prophecy a des capacités intéressantes mais reste vraiment trop peu ergonomique. Son successeur direct est le synthétiseur Z1.

5.1.6. Le Korg Z1

Paru en 1997, le Z1 (voir Figure 43) est une extension du Prophecy avec plus de sons, plus de modèles physiques et plus d'options de performance. Il conserve tous les modèles physiques du Prophecy, (modèles de cordes, d'anches simples, doubles et lipales) mais modifiés pour tirer parti de l'écran tactile, plus quelques modèles de percussion qui peuvent être édités. Comme le prophecy, le Z1 possède le processeur MOSS, et utilise donc de nombreuses autres techniques de synthèse en dehors des modèles physiques. Le modèle d'orgue, par exemple, utilise conjointement les modèles physiques et les échantillons conventionnels, ce qui permet d'ajouter les jeux au fur et à mesure comme sur un orgue véritable en actionnant les tirettes. Le Z1 offre une palette de sons allant de l'imitation des instruments réels à l'imagination.

Le Z1 dans sa configuration de base comprend 5 octaves et 12 voix de polyphonie qui permettent une simulation plus convaincante des modèles de clavier comme le clavecin réalisé avec un modèle de corde pincée.. Chaque voix est issue d'une paire d'oscillateurs dirigée par modélisation physique, plus un " sub-oscillateur " et un générateur de bruit. On peut utiliser jusqu'à 6 timbres simultanés répartis sur 6 canaux MIDI. Chaque partie peut être dérivée d'un modèle différent et être associée à une partie du clavier. Z1 est le premier synthétiseur multitimbral par modèles physiques. Un grand choix d'effets peut être ajouté à chacun des 6 timbres possibles.

Figure 43 : Le synthétiseur Z1 de Korg70.

Le clavier du Z1 est sensible à la vélocité et au toucher et ceci est complété par 12 contrôles personnalisés (4 boutons de filtres et 8 boutons d'enveloppes), la roue de variation de hauteur et de modulation, un contrôleur à ruban, et 4 entrées de pédale. Par contre aucune entrée n'est prévue pour un contrôleur de souffle ce qui est dommage vu le nombre de voix d'instruments à vent proposées. Il est également étonnant que ce synthétiseur qui se targue d'être mutitimbral ne possède qu'une paire d'entrée/sortie. Les modifications des sons synthétisés par modèles physiques portent sur les réglages des paramètres, mais aucune construction intégrale de l'instrument n'est proposée.

Il existe un autre successeur au Prophecy en dehors du Z1, c'est le Trinity, commercialisé un an plus tard.

5.1.7. Le Korg Trinity

Lancé en 1996, le Trinty (voir Figure 44) existe sous plusieurs formes (Trinity,Trinityplus, pro, pro-X) mais de l'une à l'autre seule la taille du clavier diffère. Il est possible d'apporter des extensions au Trinity pour lui ajouter les fontionnaltés du Z1 et du Prophecy. Trinity utilise deux sources pour générer le son : le processeur MOSS et le processeur ACCESS (Advanced Control Synthesis System). Le système MOSS, hérité du Prophecy, lui permet de couvrir un grand nombre de techniques de synthèse dont la synthèse par modèles physiques, comme nous l'avons décrit précédement (voir § II.5.1.5).

Figure 44 : Le synthétiseur Trinity de Korg71.

Tous les Trinity possèdent un écran tactile de haute résolution 320 x 240, donnant une vision claire des fonctions et paramètres à régler. Des paramètres peuvent être associés aux roues, contrôleur à ruban, manette, boutons et pédales pour un contrôle personnalisé.

Figure 45 : Le synthétiseur Trinity V3 de Korg72.

Le Trinity est suivi par leTrinity V3 (voir Figure 45) qui ajoute 6 voix au puissant algorithme MOSS hérité du Z1, et concerve le générateur de son ACCESS du Trinity. L'ergonomie du Trinity V3, au niveau de l'édition des sons, est bien meilleure que celle du Prophecy.

5.1.8. Le sx-WSA1 de Technics

Le nom de la firme Technics est normalement associé à l'électronique de consommation. Le sx-WSA1 (voir Figure 46), commercialisé en 1995, constitue la première entrée de cette société dans le domaine des instruments professionnels, début remarquable en vérité. Deux modèles sont proposés, le sx-WSA1, synthétiseur avec clavier, et le sx-WSA1R, la version expandeur. Le sx-WSA1 offre 64 voix de polyphonie et possède 3 roues de modulation, une balle rotative de contrôle agissant sur deux paramètres à la fois, une interface graphique agréable et intuitive et 61 touches sensibles à la vélocité et à la rétroaction. Le clavier, non-lesté, ferme sans être dur, offre un toucher excellent.

Figure 46 : Le synthétiseur sx-WSA1 de Technics73.

La synthèse par modèles physiques utilisée par Technics ne constitue qu'un module de synthèse parmi d'autres, elle est appelée " Acoustic Modeling Synthesis ". Il s'agit en fait d'un système mixte utilisant des échantillons enregistrés (bruits, transitoires d'attaque) qui, ensuite, sont envoyés à travers des modèles de résonateurs simulés par les guides d'ondes. Cette architecture permet de travailler entre autres les modalités d'attaque par pincement et leur localisation ou encore d'adjoindre des sourdines... Ce principe est similaire au concept basic du Korg Wave Drum (voir § II.5.2.1) et du Roland VG-8 (voir § II.5.2.2) qui démarrent avec des formes d'ondes préexistantes alors que le VL1 modélise absolument tout, y compris la forme d'onde initiale. Cependant, le VG-8 et le Wave Drum commencent avec des formes d'ondes acoustiques, captées par micros qui ne peuvent pas être enregistrées par un séquenseur. Le WSA1, lui, commence avec des formes d'ondes échantillonnées qui peuvent être enregistrées.

Les résonateurs (cordes, tubes cylindriques ou coniques, cloches, plaques, membranes) sont modélisés par 4 guides d'ondes qui produisent le corps du son, la partie résonante. Des hybrides, entre attaques et résonateurs non assortis (attaque de trompette / résonateur cloche) sont possibles, et peuvent créer des sons inouïs intéressants, mais certaines associations ne donnent rien. La position d'attaque, le mouvement de l'excitateur, l'amplitude d'attaque, les modes de résonance, l'amortissement et l'enveloppe variant avec l'amplitude et la hauteur sont éditables et programmables de manière agréable, instinctive, et étonnamment simple. Des variations de brillance, de matériaux et de taille des instruments sont également possibles mais limitées par Technics car il est difficile de prévoir le résultat, parfois horrible, de ces manipulations. Des paramètres permettent de changer la position et les connexions des parties du modèle et les contrôleurs balles permettent de nombreux contrôles en temps réel. Ce synthétiseur est le seul qui permet d'expérimenter directement l'association de diverses attaques associées à divers résonateurs, rendant possible la manipulation des caractéristiques de base du modèle. Les structures peuvent être associées pour, par exemple, simuler les résonances sympathiques. Chaque paramètre peut-être associé à un message MIDI particulier pour adapter le contrôle à ses besoins personnels. Le contrôle par l'intermédiaire de périphériques MIDI est simple et très efficace. Cependant le synthétiseur est prévu pour jouer au clavier et le jeu d'un instrument avec le contrôleur de souffle est difficile.

Une grande variété d'instruments est disponible, entre autres le tuba, rarement présent dans les synthétiseurs. Les sons d'usine sont excellents, cependant moins bons que ceux du VL1. Le reproche que l'on peut faire à ces sons est qu'ils sont trop léchés, donnant un aspect trop parfait qui manque de naturel.

Le grand nombre de résonateurs, d'excitations et de paramètres ouvre un immense champ d'exploration. Le sx-WSA1 est un bon compromis entre échantillonnage et modèles physiques. L'utilisation d'attaques échantillonnées réduit considérablement le coût en calcul, ce qui permet 64 voix de polyphonie et une grande variété de résonateurs. En comparaison, le VL1 qui modélise tout, y compris l'attaque, donne des sons de meilleure qualité mais limite sérieusement le nombre d'instruments, principalement des vents, et reste monophonique.

 

Chacun de ces synthétiseurs possède ses points forts, ils favorisent généralement une famille d'instruments donnée. Le VL1, par exemple, simule extrêmement bien les instruments à vent et tout particulièrement les anches simples, grâce à son ergonomie conçue pour tirer le meilleur parti d'un contrôleur de souffle.

Pour exploiter au mieux les modèles physiques, il paraît nécessaire d'utiliser une interface de contrôle la plus proche possible de l'instrument simulé et d'en jouer comme d'un instrument réel. Ceci implique un apprentissage des gestes, mais cela reste moins contraignant que l'apprentissage de l'instrument réel. En effet, une grande virtuosité peut-être obtenue en adaptant les doigtés à ses besoins personnels. La puissance de souffle nécessaire, dans le cas d'un instrument à vent, peut-être divisée par 10 (voir 100 ou plus encore), pour permettre une aisance de jeu immédiate. Enfin, une même interface instrumentale permet de jouer toute une famille d'instrument.

L'idée d'un synthétiseur spécialisé pour une famille d'instrument en particulier, a donné naissance au Wave Drum de Korg et au VG-8 de Roland que nous allons décrire maintenant.

5.2. Modèles de synthétiseurs conçus pour une famille d'instruments en particulier :
Le Wave Drum de Korg et le VG-8 de Roland

La spécialisation de ces synthétiseurs est à l'origine de leur succès. En effet, leur jouabilté a séduit immédiatement les instrumentistes. Et, même si cette machine ne s'adresse qu'à une catégorie restreinte d'utilisateurs, ceux-ci sont assez nombreux pour assurer son succès commercial. Les deux synthétiseurs présentés ont la particularité, comme nous l'avons expliqué au paragraphe 0.0, d'utiliser des formes d'ondes acoustiques, captées par micros, comme point de départ d'une synthèse par modèles physiques basée sur les guides d'ondes.

5.2.1. Le Korg Wavedrum

Présenté sous la forme d'un kit de percussion, il ne fait que des percussions mais permet de sélectionner, modifier et créer ses propres sons. Des micros placés sur la peau des tambours permettent de capter les nuances des différentes techniques de jeu, y compris l'utilisation de balais. Les musiciens qui voudront créer des parties solo de batterie apprécieront l'extraordinaire quantité de timbres de percussions proposée par le Wave Drum. Malheureusement, comme les entrées (gestes déclenchant le son) sont acoustiques, le Wave Drum ne permet pas la communication en langage MIDI ce qui est un inconvénient durant l'enregistrement et l'édition.

Malgré ses qualités, cet appareil ne s'est pas bien vendu à cause de son prix et aussi à causse de la mentalité des batteurs qui préfèrent faire beaucoup de bruit en tapant sur une batterie traditionnelle plutôt que de passer du temps à explorer les possibilités sonores que le Wave Drum offre.

5.2.2. Le Roland VG-8

Le Roland VG-874 V-Guitar System (voir Figure 47) n'est qu'un processeur comme le Wave Drum mais il est extrêmement puissant, il permet de faire sonner une guitare ordinaire à la manière de n'importe quelle guitare de grand nom en modifiant ses caractéristiques. Il simule également la coloration de différents amplificateurs et placements de micros, ainsi que d'autres effets, donnant ainsi à la guitare une énorme palette de sons. L'utilisation du VG-8 nécessite une véritable guitare en entrée, équipée du microphone Roland GK-2A (voir Figure 48). VG8 n'a pas de générateur de son, GK2A prend la vibration de chaque corde séparément en temps réel. Ce son est la source : la corde est le générateur de son. Ainsi, il est possible d'utiliser une guitare aussi bien acoustique qu'électrique. Les musiciens utilisent généralement une guitare bas de gamme avec le VG-8 car cela ne semble pas modifier le son obtenu.

Figure 47 : Le VG-8 de Roland75.

Le VG-8 ne comprend pas le langage MIDI mais il est possible de reproduire une exécution en utilisant une guitare MIDI en entrée. Le VG-8 est tout à fait différent d'un synthétiseur MIDI de guitare qui utilise les informations de hauteur et de volume pour piloter un générateur de son. Le VG-8 retravaille la forme d'onde elle-même : ceci est la clef de sa puissance d'expression. La transformation du son capté est effectuée en temps réel, sans aucun retard, ce qui permet une parfaite conservation de toute la finesse du jeu. Des effets de polyphonie76 sont possibles en captant séparément le son de chaque corde (en y associant un timbre différent, par exemple). Le réglage de l'accord est séparé pour chaque corde, ce qui permet de changer la hauteur des cordes à vide sans réaccorder la guitare. Le son de chaque corde peut-être positionné dans l'espace pour obtenir un fondu global ou un positionnement net du son de chaque corde.

Le VL1, contrairement au VG-8, ne peut modéliser l'arpègement typique des cordes de guitare ou les résonances sympathiques. Bien sûr, il existe le DIGITAR, un petit accessoire qui permet, quand on plaque un accord sur un clavier, de l'arpéger en grattant le DIGITAR qui produit un fichier MIDI. Le DIGITAR a ses adhérents et il dispense d'apprendre les doigtés de guitare, mais il est difficile de croire que les musiciens seront attirés par cette façon de jouer.

Figure 48 : Le microphone GK2A de Roland qu'il est possible d'utilisé avec le processeur VG-877.

VG8 utilise la technologie COSM (Composite Object Sound Modeling), ainsi nommée par la société Roland. Il s'agit d'une méthode associant deux types de modélisation physique pour façonner le son : la technique VGM et la technique HRM. La technique VGM (Variable Guitar Modeling) permet, à partir du son classique de la guitare, de remodeler les différentes composantes du son. Elle est ainsi en mesure de simuler le son de n'importe quelle guitare78, associée à n'importe quel amplificateur, n'importe quels haut-parleurs, et n'importe quel microphone, et ceci, quel que soit l'instrument ou ampli utilisé. De plus, il est possible de modéliser les différents placements des haut-parleurs et la position du microphone. La technique HRM (Harmonic Restructure Modeling) permet de créer des sons totalement nouveaux, tout en conservant l'expressivité de la guitare qui reste le générateur du son. Dans cette technique, la forme d'onde est isolée ; puis les harmoniques ou partiels du son sont amplifiés ou atténués de manière à modifier totalement le timbre79. Ainsi on obtient des sons totalement nouveaux comme l'orgue, le clavecin, etc.

VG8 offre une interface avec des icônes, soutenu par un grand écran éclairé, qui rend la sélection et la configuration du son, facile et intuitive. Les touches ont une ergonomie de pédales pour être actionnées au pied comme des pédales d'effets.

Le VG-8 a fait l'objet de critiques élogieuses de la part des guitaristes qui l'utilisent. Il semble qu'il se soit fait une belle place sur le marché, et ceci en dépit de son prix élevé. Ainsi, Roland a proposé de nombreux enrichissements en sons et effets pour le VG-8.

 

5.3. Conclusion

Pour utiliser au mieux les qualités de la synthèse par modèles physiques, il est nécessaire d'utiliser des contrôleurs proches des modèles instrumentaux. Transformer les données de souffle en attaques de cordes pincées, permet d'obtenir tout sauf un son de corde pincée réaliste. Evidement l'intérêt des modèles physiques est de créer des sons inouïs, extensions d'instruments réels ou sons nouveaux. Mais, n'oublions pas que le succès des synthétiseurs auprès du grand public tient à ce rêve démagogique de pouvoir jouer n'importe quel instrument sans avoir jamais appris. La qualité sonore découle en partie de la modélisation parfaite des techniques de jeu, cela constitue un écueil qui sépare les amateurs des musiciens avertis, et risque d'entraîner la désaffection du grand public vis à vis de ces machines. Il y a un retour à l'apprentissage, un retour à une pratique " instrumentale ", d'où l'importance de l'ergonomie. La synthèse physique induit la disparition de ce rêve démagogique, et limite l'accès à ces machines aux instrumentistes avertis. Cependant l'apprentissage est plus rapide que pour les instruments acoustiques et porte sur toute une famille d'instruments. Par exemple, un instrument à vent unique permet de contrôler toutes les anches simples, doubles et biseaux avec un doigté unique pour tous et adapté à ses goûts et de jouer du saxo avec aussi peu de souffle qu'une flûte à bec soprano. La qualité de l'interface gestuelle utilisée transparaît dans sa jouabilité et sa facilité d'utilisation.

La qualité du synthétiseur apparaît dans la facilité avec laquelle on peut éditer les sons, et dans la liberté offerte pour modifier ceux-ci et créer d'autres instruments en assemblant des structures dont on définit les caractéristiques. La quantité de sons et leur diversité est également un critère qui motive l'achat d'un synthétiseur. L'intérêt majeur est ici de fournir des sons inouïs qui sonnent " acoustiques " et que l'on peut contrôler pour une exécution expressive avec un apprentissage inférieur à celui nécessaire pour jouer un instrument acoustique. On aboutit à une simplicité maximale d'utilisation avec une exploitation maximale de toutes les capacités de cette synthèse. Le défauts de ces synthétiseurs est de présenter une ergonomie classique avec un clavier, ce qui n'attire pas les instrumentistes à vent, et de nécessiter un contrôleur de souffle, ce qui rebute les clavieristes. Ainsi ces synthétiseurs essayent de satisfaire tous les utilisateurs sans en enthousiasmer aucun. Le succès du VG8 provient du fait qu'il est dédié à un groupe d'instrumentistes, les guitaristes, et qu'il prend soin de ne pas les dépayser en leur permettant d'utiliser un instrument réel - et pourquoi pas l'instrument auquel ils sont tous particulièrement habitués - pour synthétiser toute une gamme de timbres. Le clavier ne peut convenir qu'au contrôle des clavecins, orgues, épinettes, pianos... Utiliser un clavier pour jouer d'autres instruments, c'est perdre ce que la synthèse physique apporte. Il semble donc que les machines dédiées à une famille d'instruments et utilisant des contrôleurs proches des instruments acoustiques sont les seules à pouvoir allier la qualité à la facilité d'utilisation et au succès commercial.