<< Les cornets gauchers

4.2.4. Symbolique néfaste du cornet

Dans l'ensemble, le cornet est associé à quelque chose de néfaste. Une constante dans la symbolique de cet instrument est son association à la couleur noire, au plomb, au monde contingent ou carrément aux enfers.

" Représenté au sein des abomination de l'enfer (voûte de la crypte de la Collégiale de Saint-Bonnet-le-Château, au sud-ouest du département de la Loire), le cornet noir courbe dont nous savons déjà la valeur symbolique rigoureusement opposée à celle du cornet droit blanc, bien que le timbre en soit absolument identique (sic!). Les peintres, nous l'avons vu, l'associent souvent aux représentations du mal, des Enfers, de l'élément Terre. Monteverdi s'en est souvenu pour les scènes infernales de son Orfeo. Il est ici situé dans la maison de la Vierge du zodiaque. C'est le signe, non de la Vierge-mère, mais de la féminité stérile et tentatrice. "
Musique et symbolisme, p.104-105.

Le symbolisme attaché au cornet courbe (les enfers) est déterminant également dans la fabrication du cornet, et il se peut que la courbure à gauche aie pour but de renforcer cette symbolique. Serge Delmas affirme que le choix des essences de bois dépendait lui-même de ce symbolisme.

" Les bois utilisés sont des bois fruitiers à grain fin de préférence car ceux à fibres longues travaillent et finissent par casser, ou plutôt par fendre. L’usage de bois particuliers n’était pas uniquement dû à leurs qualités physiques. Chaque essence d’arbre était associée à une symbolique particulière qui devait coïncider avec celle de l’instrument. A ce propos, Roger J.V.Cotte a écrit un livre ou l’on trouve des informations sur la symbolique du cornet courbe et du cornet muet. Dans l’œuvre de Monteverdi, par exemple, le cornet courbe intervient, chaque fois, lors de l’évocation des enfers ou du cornu, du diable si tu préfères. (...) Les bois utilisés pour le cornet à bouquin étaient donc le Noyer et l’If comme le souligne Trichet qui spécifie dans son traité de nombreuses d’essences de bois utilisées pour la fabrication du cornet. Le bois de Noyer avait une connotation néfaste car lorsqu’on se couche ou que l’on se met à l’ombre d’un noyer, on ressent des nausées et des maux de tête. Cela est dû au fait que l’arbre produit des toxines qui empêchent également toute autre plante de pousser dessous. Quant à l’If, ses baies étaient utilisées pour enduire les pointes de flèches de poison ou même pour empoisonner les gens. D’autres bois ont été utilisés, l’épine par exemple qui peut être rapprochée de la couronne d’épines du Christ. Tous ces bois avaient évidement cette connotation néfaste car ils font mal ou apportent du mal à l’homme. (...) Il se trouve que par hasard, en dehors de leur aspect symbolique, ce sont tous des bois qui conviennent particulièrement bien pour la fabrication de l’instrument. "
Serge Delmas (Entretien avec Serge Delmas)

Les cornets représentés avec un pavillon en forme de tête d'animal sont généralement joués par des démons ou des hommes damnés. De tels instruments existent réellement et pas seulement sous forme de représentations. Nous pouvons en voir quelque uns au musée de la cité de la musique à Paris, ils ont des pavillons en forme de tête de chien, de serpent ou de chimère comme un qui ressemble à un canard avec des dents, le plus remarquable étant un cornet basse à tête de dragon cornu

" Vom Ende des 12 Jahrhunderts stammt das Gebetbuch der heiligen Hildegard von Bingen, in dem auf einer Folge von Miniaturen die Seligpreisungen dargestellt sind. In der oberen Bildhälfte sieht man jeweils die Seligen vor einem Himmelssegment, in das die Hand Gottes ragt, während in der unteren Bildhälfte die Verdammten dargestellt sind. Einige von ihnen blasen zinkartige Instrumente, deren Schallöffnungen in bellende Hundsköpfe ausmünden. Die Hochmütigen, die Zornigen, die sich um schlimme Dinge Erregenden, die Geizigen, die Grausamen und die Zwieträchtigen sind durch von ihrem Munde ausgehende tierköpfige Zinken als maledicti gekennzeichnet. "
Hammerstein, Reinhold, Diabolus in Musica, Studien zur Ikonographie der Musik des Mittelalters

" Le livre de prières de Ste Hildegarde de Bingen, dans lequel les Béatitudes sont représentées sur une série de miniatures, date de la fin du 12 ème siècle. Dans la partie supérieure de l'image on voit chaque fois les saints sur un fragment de ciel, d'oû émerge la main de Dieu, tandis que dans la partie inférieure sont représentés les damnés. Certains d'entre eux soufflent dans des instruments en forme de cornets à bouquin, dont les extrémités sont des têtes de chien aboyantes. Les orgueilleux, les coléreux, ceux qui s'occupent de mauvaises choses, les avares, les cruels et les désunis sont représentés tels des êtres maudits qui soufflent dans des cornets à tête d'animal. "

Exemple d'instruments (conservés au musée de la cité de la musique)
dont l'embouchure est sculptée en forme de tête d'animal :


Sans avoir de forme particulière, les cornets sont souvent représentés joués par des êtres plus ou moins maléfiques, par exemple dans la Chapelle St Gabriel de la crypte de la cathédrale des Canterbury :

" Auf einem anderen Kapitell spielt ein weiblich gebildeter, geflügelter Dämon mit Schafskopf auf einem Rebec. Daneben bläst eine Chimäre, gemischt aus Drache und Ziegenbock, auf einem Zink. Die Instrumente, Harfe, Rebec, Zink, sind hier ohne erkennbare Differenzierung eingesetzt. Die Verbindung von Monstrum und Musikinstrument genügte allein schon, um das Ausserordentliche, das Antinomische, die negative Position im Gefüge des Christlichen Kosmos deutlich zu machen. "
Hammerstein, Reinhold, Diabolus in Musica, Studien zur Ikonographie der Musik des Mittelalters

" Sur un autre chapiteau, un démon ailé de forme féminine avec une tête de mouton joue du Rebec. A côté de lui une chimère, mélange de dragon et de bouc, souffle dans un cornet. Les instruments, la harpe, le rebec, le cornet, sont employés ici sans différenciation reconnaissable. L'association monstre-instrument de musique suffit à rendre évidents le côté extraordinaire, l'antinomie, l'aspect négatif de cet instrument dans la stucture du cosmos chrétien. "

Ou bien dans un psautier anglais avec un livre des heures datant de 1300 environ, qui présente le motif du convois funèbre du renard, sur huit pages, dans toute son abondance de détails.

" Die Bilder zeigen, in der Reihenfolge des Zuges, vom Ziel her gesehen, nacheinander einen Kirchturm, dessen Glocken von einem Hasen geläutet werden, einen Eber mit Hacke (dem Totengräberwerkzeug), einen Schafsbock mit Wedel und Weihwasserbecken, ein unbestimmtes Tier mit Zink, einen Ziegenbock mit Prozessionskreuz, eine Katze mit kleiner Trommel, einen Wolf in Bischofskleidung, einenHahn mit Rauchfass, Hirsch und Katze mit der Bahre des Fuchses, eine Affenmutter mit drei Jungen, einen Hund mit Dudelsack, einen Esel mit Blockflöte und Glocke, ein Pferd mit Flöte und Trommel, einen Strier mit Horn, einen Elefanten in Pilgertracht und schliesslich ein Kamel mit Handglocken. "
Hammerstein, Reinhold, Diabolus in Musica, Studien zur Ikonographie der Musik des Mittelalters

" Les illustrations montrent dans l'ordre de la procession, en partant de l'arrivée, l'un derriére l'autre, un clocher dont les cloches sont actionnées par un liévre, un sanglier avec une pioche (l'outil du fossoyeur), un bélier avec un goupillon et un seau d'eau bénite, un animal indéfini avec un cornet, un bouc protant la croix, un chat avec un petit tambour, un loup en habit d'évèque, un coq avec un encensoir, un cerf et un chat portant la civière du renard, un singe femelle avec ses trois petits, un chien jouant de la cornemuse, un âne avec une flûte à bec et une cloche, un cheval avec une flûte et un tambour, un taureau avec un cor, un éléphant en tenue de pélerin et en dernier un chameau avec une clochette. "

Encore plus tôt, dans un psautier de Stuttgart du 9ème siècle, on voit les cornets attribués aux sirènes, êtres dépourvus d'âmes, peuplant la terre recouverte d'eau avant que celle-ci soit modelée par dieu durant le premier jour de la genèse.

" Musikinstrumente findet man vornehmlich bei den als Wasserwesen dargestellten Sirenen, Schon im Stuttgarter Psalter aus dem 9 Jahrhundert ist eine Sirene mit einem Olifant zu sehen, offensichtlich eine Personifikation des Meeres, das im Text für böse Gewalten steht.Das Bild zeigt neben Jonas, der von einem Walfisch, dem Leviathan, verschlungen wird, die Sirene mit ihrem Instrument. Seit dem 12 Jahrhundert mehren sich die Darstellungen musizierender Sirenen. Sie werden, wie die anderen Mischwesen und Monstren auch, mit den verschiedensten Instrumenten ausgestattet. Die bemalte Holzdecke von St Martin in Zillis (Graubünden), die wohl um 1200 entstanden ist, zeigt auf drei nebeneinander liegenden Bildern je eine Sirene mit Rebec, Harfe und Zink. Die Darstellungen sind Teil eines Bilderfrieses, der das eigentliche Zentralthema des Decke mit dem Leben Christi und des Titelheiligen im Geviert einrahmt. Auf dem rahmenden Fries selbst sind, abgesehen von den Windgöttern in den vier Ecken, ausschliesslich Fabeltiere des Meeres zu sehen. Auch das durchlaufende Wellenband weist auf den die Erde einschliessenden Ozean. Dieser aber ist Abbild und Sinnbild des Chaos, und seine Bewohner, zu denen auch die Sirenen gehören, symbolisieren die unerlöste Welt des Grauens. Drei vollkommen gleich gestaltete Sirenen an der gegenüberliegenden Seite sind moderne Ergänzungen. Die alte Dreizahl ist im übrigen, sieht man von der Darstellung im Hortus Deliciarum des Herrad von Landsberg ab, auf mittelalterlichen Darstellungen nicht mehr zu finden. Meist sieht man nur eine, allenfalls zwei musizierende Sirenen. "
Hammerstein, Reinhold, Diabolus in Musica, Studien zur Ikonographie der Musik des Mittelalters

" On trouve surtout des instruments de musique auprés des sirènes représentées comme des êtres marins. Déjà dans le Psautier de Stuttgart du 9ème siècle on voit une sirène avec un olifant, visiblement une personnification de la mer qui représente dans le texte les puissances maléfiques. L'image montre à côté de Jonas avalé par une baleine, Léviathan, la sirène avec son instrument. Les représentations de sirènes musiciennes se multiplient à partir du 12 ème siècle. Tout comme les autres êtres hybrides et les monstres elles sont pourvues d'instruments divers. Le plafond en bois peint de St Martin à Zillis qui date environ de 1200 montrent sur trois peintures situées côte à côte, respectivement une sirène avec un rebec, une avec une harpe, une avec un cornet. Ces représentations couvrent une partie d'une frise peinte qui entoure le thème central à proprement parler du plafond : la vie du Christ et du Saint Patron. Sur cette frise d'encadrement elle-même sont représentés, à l'exception des dieux du vent dans chaque angle, uniquement des êtres marins fabuleux. La frise de vagues qui parcourt l'ensemble évoque l'océan qui entoure la terre. Celui-ci cependant est représentation et symbole du monde du Chaos, et ses habitants, dont les sirènes font également partie, symbolisent le monde damné de l'horreur. Trois sirènes exactement semblables de l'autre côté du plafond ont été rajoutées récemment. En outre on ne trouve plus l'ancienne trilogie dans les représentations moyenâgeuses excepté dans le "Jardin des Délices" de Herrad vonLandsberg. La plupart du temps on ne voit plus qu'une seule, voire deux sirènes musiciennes côte à côte. "